Et voilà, 86h de train plus tard, me voilà dans la grande et belle. Et surtout, me voilà aux portes, au seuil de l’Europe,du dernier continent, de la dernière ligne droite.

Je dois le dire, j’ai eu une bonne baisse de moral en ce début d’année. Ca s’est bien fait ressentir dans mes écrits. Je trouve que je n’ai dépeints que le mauvais alors qu’il y a eu beaucoup de bien et de beau. Ca fait 4 mois que je suis sur la route, 3 ans et 3 mois en tout, alors je pense que c’est justifié d’être fatiguée et de ne plus trouver la force et la motivation. Mais comme toute descente il y a ensuite une remontée, et elle est bien appréciée. Ces 86h de train m’ont décompressée, m’ont faite réfléchir et penser, m’ont ouvert les yeux à nouveau, et je me sens bien mieux. Je suis même bien remontée car je veux faire de ce dernier mois le meilleur que je puisse en faire. J’ai lancé des appels à travers les 4 derniers pays à traverser et j’ai eu plus de réponse que j’espérais. Je n’peux donc pas me tromper. Je vais le faire, et bien.

J’suis hébergée par un couple de lesbiennes à la périphérie de la ville. C’était pas parti bien puisque j’me suis pointée c’matin à 8h30, pensant que c’était un horaire convenable, manque de pot elles ont un style de vie décalé et prennent le petit dèj' à 13h et se couchent vers 3 ou 4h. J’l’ai sentie un peu froide quand elle m’a accueillie. Elle m’a montrée ma chambre, m’a indiqué la salle de bain, m’a filé le mot d’passe de la wi-fi, m’a demandé de pas laissé entrer le chat et est partie se recoucher. J’te dis pas comme j’me suis sentie mal du coup. J’me suis excusée dix fois mais j’voyais bien qu’le mal était fait. J’ai donc passé la matinée à me remettre à jour du reste du monde en attendant qu’l’appart' prenne vie. Et puis finalement ça s’est plutôt très bien passé. En fait j’avais pas compris tout d’suite qu’elles étaient ensemble mais ça s’est très vite clarifié. La fille de Val est là aussi en plus, elle revient de 6 mois de voyage entre l’Inde et le Népal, on a pas mal échangé. Et puis avec Ana on a parlé de l’histoire de la Russie, de la condition des homosexuels, de sa double culture américano-russe, de son enfance, de mon futur. C’était franchement sympa. J’pense pas que j’vais pouvoir suivre leur rythme, il est 18h37 et j’suis d’jà bien crevée. En plus j’ai le bide gonflé à bloc, j’ai pas démoulé depuis des jours !

Demain j’vais faire la touriste et essayer d’acheter des cartes postales. Lundi faudra que j’les poste et que je change de l’argent. Mardi je prendrai la route pour Kiev. Je voulais y aller en bus mais j’ai l’impression qu’c’est la galère pour réserver. J’me tâte à faire du stop mais j’suis un peu flippée de passer la frontière avec cette histoire d’enregistrement du visa que j’n’ai pas fait. C’est à creuser.

J’ai écrit un texte dans le train en alphabet cyrillique russe. J’trouve ça trop classe. Comme un langage codé. Bon j’vais pas le retranscrire parc’que ça m’fait chier mais je parlais de Thomas. J’ai beaucoup pensé à lui durant ces 4 jours de train. J’ai fait des rêves érotiques éveillée. J’avais espionné le compte FB de sa copine il y a peu et effectivement ils sont toujours ensemble. Elle a même changé son statut marital le jour de son dernier anniversaire. Pas lui. Pas qu’ça ai d’l’importance… J’suis excitée à l’idée d’le revoir dans si peu d’temps. C’est moche mais j’espère qu’il n’est toujours pas fidèle. J’m’en fous qu’il soit avec elle en fait mais j’veux pas qu’ça m’empêche d’le baiser haha ! Ouhlàlà j’me fais des ennemis là. Mais franchement j’m’en tape. J’la connais pas. C’pas ma pote. Bien sûr que j’voudrais pas qu’ça m’arrive mais si un jour elle sonne chez moi et me met un pain, j’assumerai. Ben oui je couche avec ton mec, mais Cocotte, ton mec aussi couche avec moi. C’est juste que j’sens carrément qu’ça n’a rien à voir avec elle. Je dit pas ça comme excuse mais Thomas et moi ça date de bien avant elle. Et c’est pas une coucherie d’un soir. C’est Thomas et moi. En fait j’dis tout ça mais ça fait pas loin de 2 ans maintenant entre elle et lui et je s’rai pas étonnée qu’il me refoule, qu’il ait décidé d’être sage. J’avoue que je tenterai quand même de le séduire, mais il aura le dernier mot. Et puis bon comme c’est officiel entre eux, les autres ne verraient pas ça d’un bon oeil. Pas qu’ça compte mais les gens parlent. Bref.

Les deux premiers jours de train, d’Irkustk à Novossibirsk, je partageais le compartiment avec une brochette de mineurs d’or originaires du Kazakstan. L’un d’eux me filaient des trucs à bouffer, comme ça, genre un Twix et une tablette de chocolat. Un autre abusait un peu trop d’la bouteille et était visiblement tombé amoureux d’moi. Heureusement qu’les deux autres avaient compris mon impatience et m’ont sauvé la mise à plusieurs reprises en chassant l’intrus. Au final on s’est mis à converser par traducteur de smartphone interposé. C’était bien marrant. Le plus jeune était intriguant. Il m’a montré des vidéos qu’il a fait au boulot de renards qui venaient tout près de lui. J’suis déçue de pas pu leur avoir dit aurevoir, étant arrivé à Novossibirsk vers 2 ou 3h du mat'. Il n’y a qu’le bourré qui m’a un peu secoué pour me saluer timidement de la main, mais à part lui le compartiment était déjà vide. Le reste du voyage était calme. Les gens allaient et venaient mais personne pour oser vraiment me parler. J’ai beaucoup observé. Le beau gosse, la belle femme studieuse et le gros dégueulasse poivrot qui buvait déjà à même pas 8h du mat'. Ecoeurant l’type, vraiment.

Le Transsib', c’est intéressant quoi.