Mais je croyais pas si bien dire !
Empathie ! Haha ! Mais à quoi sert l’empathie aux crétins dépourvus de civilité ? Putain j’pensais pas qu’ma nuit pouvait déraper à ce point.
1h30. Mon dernier client est arrivé et tout est calme. C’est donc mon moment pour descendre au sous-sol les bouteilles vides et remonter des pleines pour remplir le bar. Clairement ça m’prends 10 minutes. Déjà dans l’ascenseur, en remontant, j’entendais qu’y avait du peuple à la réception. Les portes s’ouvrent, j’me retrouve en face d’un client qui montait dans sa chambre, il me laisse passer, j’vois direct des gens adossé au comptoir et là ! Kebam ! 2 ou 3 clampins qui sortent de DERRIERE la réception ! Là j’m’arrête net. "Euh pardon mais vous n’avez rien à faire là.". J’fronce les sourcils, là je sais que j’vais pas être gentille. "Ben on vous attendait, on a besoin de nos cartes, on a téléphoné mais personne ne répondait.". Là j’tourne un peu la tête et j’vois qu’ils ont forcé les portes automatiques que je verrouille automatiquement la nuit, pas sécurité. "J’étais au sous-sol, le téléphone ne capte pas en-bas et les portes sont verrouillées par sécurité messieurs. Si vous avez cassé la porte, c’est sécurité zéro dans l’hôtel là". Là j’vois un truc de rangement qui a bougé, j’le remets en place et j’prends exprès mon air agacé : "bon vous avez fouillé quoi d’autre parc’que là...". "Nan mais attendez, on vous explique, on poireautait dehors, on savait pas si vous alliez revenir, on veut juste nos cartes.". J’relâche pas la tension et j’demande les numéros pour encoder les cartes. Les premiers partent au fur et à mesure. A un moment j’leur ai quand même dit qu’c’était quand même pas une raison pour venir fouiller derrière le comptoir, que moi j’ai un taf à faire, que ça fait parti d’mon boulot de descendre et remonter des bouteilles, que ça m’prends jamais plus de dix minutes. Là y’en a un qui a commencé à insister que pourtant ça f’sait 20 minutes qu’ils poireautaient, j’me suis pas laissée faire ! Ensuite, ça l’a peut-être perturbé que j’lui tienne tête, alors il a commencé à dire qu’il pensait que j’avais peut-être fait un malaise, qu’il avait cherché partout. Partout ? La cuisine ? La réserve ? Le bureau ? Il voulait pas non plus que j’lui dise merci quand même ! J’ai pas démordu. Là le chef de groupe s’est interposé et a calmé le jeu "nan mais c’est bon mademoiselle, y’a pas de problème, on a nos cartes, la porte fonctionne toujours, vous inquiétez pas, on va pas vous reporter.". Me reporter ? ? Hahaha ! Mais c’est la meilleure celle-là ! Les mecs ils forcent la porte et fouille le bureau d’la réception et c’est moi qu’on devrait reporter ?? ? Mais MDR de LOL ! C’était plus Hôtel Ibis, c’était le Festival du rire là ! ! En plus ils sont franchement pas malins parc’que tout a été enregistré par les caméras et moi j’ai RIEN à me reprocher sur cette affaire. J’suis pas l’employée du siècle, certes, mais faut pas non plus m’prendre pour une conne.
C’mation au PDJ à 5h c’était tendu mais j’ai fait un peu genre comme si de rien s’était passé. Par contre à 8h j’avais mon chef au téléphone et j’lui ai tout raconté. Et oui, parc’que les clampins en question là, c’était des VIP en plus, des potes de l’autre directeur. Donc j’pense franchement pas qu’ils vont en rester là. En tout cas mon chef m’a soutenu, j’espère juste que si suite il y a il s’ra toujours derrière moi. T’façon il y a les enregistrements pour preuves et t’façon, MOI, j’suis absolument pas en faute.
Des sauvages les types, franchement quoi ! Des sauvages en jean Diesel et des chaussures à 200 balles. J’avais presque honte pour eux. J’ai croisé leurs gueules quand j’les ai surpris en train de sortir pressement de l’autre côté du comptoir, j’ai vu les airs de gosses quand ils savent qu’ils ont fait une connerie, se confondre en excuses foireuses mais en essayant de garder du chic. Quelle honte !
Tu sais le pire ? Le pire c’est de devoir garder son calme, son professionnalisme, ne pas dire des trucs du genre : "mais qu’est-c’vous faites ? Z’êtes fou ou quoi ? Ca va pas d’faire ça ? Vous vous croyez où ? Chez mémé ? Vous êtes franchement des idiots, y’a des caméras ici ! 20 minutes ?? ? Mais t’me prends pour qui ? Si j’te dis qu’ça prends pas plus d’dix minutes c’est qu’j’te l’dis bordel !". Nan. Faut garder la voix basse, dire Monsieur à chaque fin d’phrase pour rester poli et surtout ne pas les prendre de haut parc’que c’est là qu’ça dégénère en général. Faut faire la putain d’affiche, la putain d’marionnette, la potiche de la réception comme dit Lili. Et ça ça m’met hors de moi parc’que j’m’étais jurée de toujours être vraie, telle que je suis. Mais là non, j’peux pas, parc’que c’est pas de moi qu’il s’agit, c’est de l’hôtel, c’est de la marque, donc de mon chef. Faut jouer un rôle. Et clairement un rôle de second plan, de figurant, de décor presque… C’est rageant.
Il y a de la beauté dans ce monde, il faut le savoir et se raccrocher à ça parc’que, clairement, là, qu’est-c’que j’fous là ?