Aujourd’hui j’ai un problème. Un problème qu’il va vraiment falloir que je résolve. Pour mon bien et celui des autres.

Ma passion c’est mon métier, c’est bien. Mais je suis trop passionnée. Je sais pas comment en parler calmement, sans m’emporter. Je sais pas comment dire aux gens qu’ils racontent de la merde à ce propos sans passer pour une lunatique, sans paraître arrogante. J’m’explique.

Donc durant le trajet en bus de Phnom Penh à Saigon j’étais assise derrière un couple français. J’les ai ignoré jusqu’à la traversée de la frontière Cambodge-Vietnam. Et puis on a entamé la conversation et de fil en aiguille on en est venu à mon métier, mon projet et les chevaux. Le gars, ingénieur électrique, at some point for some reason, se met à me parler de Bartabas et Saumur comme le top dans le domaine de l’entraînement des chevaux. Euh nan. Euh ben si. Nan, Bartabas et le Cadre Noir c’est l’excellence de l’équitation classique mais ce n’sont pas des références en terme de traitement et "conditionnement" du cheval. Loin d’là. Il fait mine genre "ben nan tout l’monde sait ça enfin" et moi j’me retiens d’lui dire "ta gueule t’y connais même rien". J’ai du m’faire violence parc’que j’veux pas braquer les gens mais ça m’troue l’cul qu’les gens considèrent si peu les connaissances et le savoir-faire de ce métier. J’veux dire ils pensent que n’importe qui peut l’faire. Et d’ailleurs c’est ça l’problème, trop de n’importe qui le font.

Hier soir je discutais avec un Irlandais qui pionçait dans mon dortoir. Pareil, on en vient sur l’sujet et il m’demande comment j’fais, si j’dois les battre parfois. Ca m’a scié. Comment peut-on même y penser ? Encore une idée reçue complètement à côté d’la plaque. J’lui ai expliqué calmement en essayant de garder un ton léger, genre pas faire la meuf aliénée à fond d’dans, en survolant très superficiellement le sujet pour pas l’endormir dans des détails techniques, donc pour pas le dégoûter. Mais ça m’démange putain.

Ce soir j’me suis rendue à un CS gathering. Une énième fois on en vient sur l’sujet et là l’Américain présent paraît intéressé et me demande si j’entraîne des chevaux de course ? Euh nan, pas mon truc. Pourquoi ? Parc’que c’est pas dans l’intérêt du cheval. Pourquoi ? Putain là il m’a chauffé, j’avais pas l’choix. Ben parc’que c’est du cassage de chevaux, s’ils en meurent pas ils finissent tous à 4 ou 5 ans blessés ou complètement usés. Ah ouais bon et puis les purs sang c’est des chevaux nerveux, moi non plus j’les aime pas, qu’il m’sort. Non c’est pas la question. D’ailleurs this is a shit load of crap. Ben si tout l’monde sait que quand tu montes sur une route par exemple et qu’une voiture passe, un QH ou un Appaloosa, réputés calmes, vont pas bouger alors qu’un PS va s’effrayer et sauter partout, c’est vrai nan ? Nan ça l’est pas Ducon ! Bon j’ai pas dit Ducon mais le coeur y était. Tu vois c’est ça que j’essaye de t’expliquer ! Un PS entraîné pour les courses il est juste formé pour courir, rien d’autre ! Un QH qu’on utilisera pour travailler avec le bétail va recevoir toute une éducation pour qu’il s’habitue à tout, justement pour qu’il reste calme en toute situation ! C’est pas une caractéristique de race, c’est comment t’éduques ton cheval ! ! Là il m’fait aussi cette putain d’moue ouais-nan-moi-j’sais-mieux-qu’toi et puis il m’achève : pourtant j’ai aussi vu des Arabes, ils sont calmes aussi. Ah ouais ? ? C’est drôle ça parc’que les PSA ont JUSTEMENT la réputation d’être chauds et nerveux, plus que les PS.

Cette ignorance profonde tellement évidente. Je sais pas comment faire avec ça. Je sais pas comment le prendre, comment l’encaisser, comment me comporter, comment gérer. Le problème c’est qu’je peux pas leur expliquer parc’que ça prendrait des plombes. Et puis leur mentalité n’est même pas faite pour comprendre parc’qu’ils ont ces putain d’idées reçues dans la tête. Tu changes pas une croyance ou une vision des choses ou un état d’esprit en une simple conversation, surtout si concrètement les gens en ont rien à foutre et si leur peu de "connaissances" est basé sur des films western. C’est à la limite du ridicule.

C’est dur. C’est pourtant mon objectif. Mais putain c’est dur. Gros travail sur moi-même en perspective qui va à l’encontre de mon envie réelle d’être. J’vais encore devoir faire la gentille et la tolérante alors que tout ce merdier est juste insupportable.

Sans transition, sur ce trajet entre Phnom Penh et Saigon, avant de passer la frontière, j’ai été témoin d’un accident. En fait j’ai pas vu l’accident mais ça a du se produire très peu de temps avant qu’on passe. Un bus a percuté un cycliste. Un vieil homme. Enfin moi j’ai vu un homme mais le couple français a vu une vieille femme. Question de perception, encore et toujours. Bref l’homme était sur le bitume, allongé sur le côté en position foetal. Son visage était recouvert de sang et comme "dévisagé". Une longue traînée de sang coulait en direction du bas-côté. Sang encore frais mais qui commençait à coaguler dû à la chaleur. Notre bus a doublé pour passer et j’ai clairement vu le vieillard. Ses yeux et sa bouche étaient fermés. Honnêtement j’me suis dit qu’il était surement mort en fait. Des gens étaient attroupés, certains prenaient même des photos, mais personne n’étaient près de lui, semblaient vouloir l’aider ou quoi que ce soit. Peut-être qu’ils pensaient aussi qu’il était mort, qu’ils avaient essayé mais en vain. Et puis, alors qu’on commençait lentement à s’éloigner, il a ouvert les yeux et a eu un soubresaut, comme s’il avait toussé. Quelqu’un s’est penché pour regarder mais d’après ma dernière vision de la scène il n’a que fait jeter un coup d’oeil.

Le Français s’est indigné que personne ne cherchait à aider ce pauvre homme (cette pauvre femme). Ben ouais mais qu’est-c’tu veux faire ? Ben au moins l’accompagner dans ses derniers moments, j’voudrais pas crever comme ça moi. Mouais…

C’était une triste scène. Même pas gore ou glauque, franchement triste.