People Always Leave

Insomnie.

Aujourd’hui. 2h48. Malade comme un chien et pas moyen d’dormir. J’suis crevée mais j’pense. J’ai arpenté la rue, les couloirs, fini mon jus d’orange. Je pense.

J’ai skypé avec la maison ce soir. J’avais tellement hâte. Mais j’ai vite déchanté. On se dit presque rien. Il y a eu un gros blanc à un moment. J’essaie parfois de meubler, de raconter des trucs que je sais qu’ils s’en foutent. Du coup ils ne m’écoutent pas. Ils se parlent entre eux alors que je leur parle. Comme souvent. Ils ne me posent pas vraiment de questions. Pas vraiment. Je sais que j’ai tendance à raconter beaucoup mais ça vient peut-être du fait qu’ils ne demandent pas. J’me souviens au lycée j’aimais parler à table des conneries des mecs de la journée. J’étais bien souvent la seule à rire. Je sais qu’ils s’en foutent, que ça les fait pas marrer parc’que voilà, ils n’y étaient pas et puis je peux être relou à parler beaucoup. Mais j’sais pas, j’avais comme l’impression de ne pas exister autrement. C’est toujours le cas. Mais je me retiens parc’que je comprends mieux. Mais ça fait des blancs. Voilà.

J’me rends compte que j’crois qu’on n’se connais pas si bien qu’ça entre nous. Mais en même temps j’me d’mande si c’est vraiment important. On a toujours assez bien communiqué mais peut-être qu’on ne se disait rien en fin d’compte. Et puis il y a des choses qu’on n’se dit jamais. Ça me gêne, me dérange profondément de dire je t’aime à mes parents. Je sais pas pourquoi. C’est juste impossible. Pourtant c’est le cas, je les aime. Comme mon frangin qui m’écrit des emails de tu me manques etc mais sur Skype il parle à peine, ne montre pas plus d’enthousiasme que ça. Bon. Jonch parle peu de toutes façons. C’est peut-être lié à son adolescence mais il n’a jamais été très bavard avec nous. Il est très pudique. Nous le sommes tous. Entre nous. J’essaie d’me convaincre que c’est pas si mal mais j’peux pas m’empêcher d’en ressentir d’la gêne. Après tout on a tous toujours vécu comme ça. Ensemble. J’vois pas pourquoi on changerait.

J’ai hâte de rentrer pour plein de raisons. Mais d’un autre côté j’appréhende à mort. Et si l’envie de repartir me reprend ?

Bon c’est pas comme si je rentrais sans projet non plus. Je sais maintenant. Je sais que j’veux passer ma vie parmi les chevaux. J’veux faire bien c’que d’autres font mal. J’veux faire entendre la pensée de l’animal. J’veux être leur Voix. Tous les critères sont regroupés. J’ai trouvé ma Voix.