Torture
Hier Tim m’a demandé combien de temps je comptais rester. J’ai répondu que je faisais ma deuxième semaine comme promis et puis on verra. Il a dit qu’il s’en foutait, que c’était juste par curiosité, que j’pouvais rester autant que j’voulais, que j’étais un keeper. Ensuite il arrêté pas d’me chambrer en commençant ses phrases par "Since you’re staying for a year...". Il est marrant. Disons qu’il m’fait marrer mais avec moi c’est pas compliqué surtout que mis à part avec lui j’me marre jamais. A part quand j’repense aux conneries qu’on f’sait avec ma soeur. Du coup je suis tiraillée parc’que j’l’aime bien, il est en plus très pédagogue. J’aiappris quelques trucs mais c’est pas non plus la grosse révélation quoi. Le taf que j’fais là, je f’sais exactement la même chose pour les Davidson, en pire puisque chez les Davidson je gérais tout. Là c’est l’Interne tchèque qui a les rênes si j’puis dire, donc moi j’fais qu’le sale boulot. Pas qu’ça m’dérange des masses, mais j’suis à un stade où j’voudrais plus.
Et puis bon j’adhère pas forcément à sa méthode non plus. D’entrée d’jeu. Il pourrait m’aider à me perfectionner dans ma façon d’monter mais définitivement pas pour entraîner les chevaux. D’emblée il m’avait demandé de ne pas les traiter comme des animaux de compagnie, c’que j’comprends parfaitement et dont je suis d’accord, mais il ne leur parle même pas. Pas du tout. Moi j’aime bien leur parler. Pas leur raconter ma vie mais communiquer avec eux à ma façon. Là c’est à un point que quand j’les longe et, par reflexe, j’leur dis quelque chose, ils pensent que j’leur demande de s’arrêter. C’est d’un nul…
Et puis hier il a fait travailler la p’tite psycho. L’Interne tchèque m’avait dit le premier jour qu’elle ne l’aimait pas non plus, lui m’avait dit par la suite que quand elle est arrivée ici c’était une psychopathe, qu’elle n’avait jamais été sevrée de sa mère et qu’elle a juste été traitée comme une pourrie-gâtée. Soit. Donc hier il l’a sellée et bridée et mise dans le rond-d’longe. Sauf qu’il a attaché les rênes très courtes au pommeau d’la selle de façon à garder sa tête en flexion. Il l’a longé en liberté et l’a fait cavaler pendant un bout d’temps. Ensuite il l’a laissée comme ça pendant genre 1h. La pauvre perdait salement patience et grattait le sol et taper dans la barrière avec ses sabots. Et lui était rentré surement pour aller sur FB ou j’sais pas quoi. Moi j’longeais Cob et à chaque tour j’la voyais s’énerver dans sa position hyper incomfortable. Après ça, il l’a montée.
A quel point on peut parler de torture ? Parc’que c’était bien délibéré là. J’dirais pas qu’il passe sa haine sur elle, j’pense pas, mais il a clairement voulu la punir parc’que surement elle ne pliais pas assez son cou. Punir. Punir par la violence, la douleur. C’est pas d’la torture ça ? Punir par la douleur pour changer une habitude. C’en est la définition.
Je sais pas quoi faire. Tu vois, il est sympa. J’l’aime bien et j’apprécie d’travailler pour lui. Mais quand j’vois ça j’ai envie d’lui mettre une balle. Quand j’vois certains sabots de ses chevaux j’ai envie d’lui mettre une balle. Quand il m’dit qu’le vieil hongre de 29 ans a un naviculaire et que c’est pour ça qu’il porte des fers en forme d’oeufs j’ai envie d’lui mettre une balle. Quand il m’dit qu’les chevaux sont comme des mauvais garçons j’ai envie d’lui mettre une balle. J’fais quoi à la place ? J’me marre ou souris bête et fait la demeurée. Je ferme les yeux. Qu’est-c’que j’peux faire ?
Je crois qu’ça changera jamais. Je crois que la condition des chevaux sera toujours exécrablement vue par de mauvais yeux. C’est une utopie de vouloir changer ça. Mais pourtant, faut bien que quelqu’un le fasse non ? Sinon qui se battra pour eux ?
En c’moment je pense beaucoup au passé. J’repense à ma vie d’avant. J’essaie de me remémorer le plus de choses possible. Au moins ça m’évite de penser à l’avenir. Parc’que de c’côté-là c’pas franchement la joie. J’crois qu’j’me suis trop emballée. J’vais devoir procéder étape par étape et éviter d’me monter la tête. J’songe vraiment à faire du yoga et d’la méditation une fois rentrée. Faut au moins qu’j’essaye.