People Always Leave

Lucide

Ce soir j’suis lucide. Je pense au retour et j’me d’mande c’que ça va être. J’devrais pas, j’devrais profiter, parc’que ça n’arrivera plus, plus avant longtemps en tout cas. Mais j’peux pas m’en empêcher.

Je sais pas c’qui m’a poussé à faire ce voyage retour. En fait je l’sais mais en y repensant c’était un peu fou. J’avais même aucun intérêt pour l’Asie, genre du tout. J’me disais qu’au moins j’l’aurais fait. Maintenant j’me dis qu’c’est probablement la meilleure chose que j’ai faite. L’Asie m’a tellement appris, m’a ouvert les yeux sur tant d’choses. J’vois plus le monde comme avant. J’vois aussi le monde beaucoup plus petit et nous les humains plus proches, moins différents.

Difficile à croire que j’ai quitté l’Australie il y a seulement 3 mois. J’ai l’impression qu’ça fait des années. Et en même temps j’ai jamais été sur la route aussi longtemps. 3 mois bordel. Bon ça fait presque 1 mois que j’suis ici mais quand même. Il m’est arrivé tellement d’choses ces 3 derniers mois. Le contre-coup est dur, j’ai l’impression d’avoir pris 10 ans. Rentrer va vraiment paraître...mou.

Obtenir ce putain d’visa russe est comme le dernier obstacle. Une fois ça en poche j’embarque sur le ferry, et puis dans l’train pendant 10 jours, et puis Moscou, et puis Kiev direct pour voir Vassily et puis c’est comme si j’étais à la maison. J’vais errer ça et là en Roumanie, en Hongrie pour finir par l’Autriche et la Suisse. Les doigts dans l’nez. Plus d’visa, plus d’bateau, plus d’froid sibérien. J’aurais juste à lever mon pouce et squatter des pieux. Ce s’ra comme le calme avant la tempête, le désert avant la civilisation. C’est là où j’vais vraiment devoir en profiter, compter chaque jour qui me sépare de la fin et en faire le meilleur. Essayer de penser le moins possible à c’qui m’attend et me faire languir. Il faut que le jour où je décide que le lendemain est le jour où je passerai le seuil de la Maison, ce jour, il faudra qu’je sois prête. A 200%. Il faudra que je regarde derrière moi et que j’me dise okay Sara, tu l’as fais, il est temps maintenant. Tout commencement a une fin et toute fin entraîne un commencement. Il est temps de finir. Il est temps de commencer.