People Always Leave

Génitrice

J’me souviens que j’en avais parlé à la psy. En fait, aujourd’hui, ça ne m’étonne pas tout ce ressentiment que j’ai à son égard. Sophie me l’a fait remarqué encore l’autre jour : "c’est marrant, tu parles jamais de ta mère". Nan. Ma mère c’est compliqué. C’est pas que j’l’aime pas, elle reste ma mère, mais j’ai le sentiment qu’elle n’est QUE ça. Bien sûr qu’elle a fait des tas d’trucs bien, que malgré tout elle nous a bien élevé, elle est gentille, elle est toujours là. Mais putain quoi, elle est chiante, et ouais, je fais tout pour pas lui ressembler. Desfois j’imagine qu’elle soit pas ma mère, juste une femme que j’connais, une collègue de boulot par exemple : pffff mais comme j’l’aimerais pas ! Elle serait exactement le genre de nana que j’pourrais pas blairer, insupportable. C’est triste de dire ça.

Mais en fait ça m’étonne pas, parc’que quelque part elle l’a cherché. Inconsciemment sûrement… Mais grandir en entendant ta mère entre deux crises de cris qu’elle est pas une bonne mère, qu’elle allait se casser et que mon père allait trouver une meilleure mère pour nous, voilà quoi. Grandir dans la peur que ta mère s’énerve et fasse la gueule, mais au fait pendant combien de temps ? Un, deux, trois jours ? Une semaine ? Deux ? Qu’elle se mette à ne plus parler à personne, qu’elle nous ignore complètement ou alors qu’elle nous parle froidement. Qu’elle jette la casserole sur la table au moment du repas et qu’elle se casse de table avant même qu’on ait fini. Grandir dans l’angoisse de ça, de ne plus savoir quoi faire, à qui demander pour les devoirs ou les papiers à signer pour l’école. Grandir en évitant d’inviter les copines à la maison par peur que ça l’énerve. Grandir en osant même plus se tourner vers Papa dans ces situations par culpabilité. Putain, j’en chiale.

Ouais, elle m’a pourrit une partie de mon enfance et adolescence. Ouais je lui en veux. En y repensant aujourd’hui j’me suis dit à quel point c’était ridicule et puéril en fait, on était loin d’être des filles difficiles. Elle savait juste pas gérer, comme elle ne le sait toujours pas aujourd’hui. Elle se projette sur les autres, elle projette ses peurs, ses angoisses, son stress, son agacement, son incapacité. Elle perd ses moyens et entraîne les autres dans sa chute. Elle sait pas s’exprimer autrement qu’en gueulant et s’énervant. Elle m’aura au moins appris à ne pas lui ressembler.

Heureusement qu’il y avait mon père dans l’histoire. Jamais un mot plus haut que l’autre, toujours à essayer de nous faire rire. A l’époque j’aurais aimé qu’il nous défende, mais il l’a jamais fait, pas devant nous en tout cas. J’ai jamais compris pourquoi. Je pense que j’lui en veux aussi quelque part mais je comprends aussi.

En fait j’en veux à ma mère d’avoir quelqu’un d’aussi cool que mon père. Elle a une chance incroyable. Elle s’en sort bien, trop bien.

Moi dans l’histoire j’suis passée pour la fille difficile, toujours en conflit, fort caractère. Mais merde, comment tu peux espérer du respect de tes gosses quand tu les traites comme ça ? J’ai des forts souvenirs de haine envers elle. Dans mon tout premier journal je la traite même de conne. Okay j’avais 15 ans, mais voilà quoi. J’invente pas tout ça, elle l’a dit, elle l’a fait, elle m’a blessée, elle m’a appris à pas l’aimer, à la détester presque, et voilà maintenant où j’en suis. A essayer d’me convaincre du contraire, à m’dire que j’peux maintenant passer à autre chose, lui pardonner. Mais j’arrive pas. C’est plus fort que moi, elle M’ENERVE ! !