People Always Leave

XXII

Aujourd’hui, je voulais oublier ce jour, mais tant bien que mal, j’n’ai pas pu. En fait, ça n’a pas été si pénible que ça, bien au contraire.

Hier j’suis allée pêcher avec Greg et Gipsy Greg. C’était super. Passer la journée sur le bateau, au soleil, fishing, crabbing. On en a attrapé des bien beaux. Gipsy Greg en a pêché un bien gros et du coup nous a invité ce soir pour le déguster tous ensemble, sa femme, Greg, lui et moi. Juste perfect timing, vue que j’étais censée cuisiner en fait. J’ai donc décalé à demain soir, au grand dam de notre ami de l’autre côté d’la frontière. Peu importe, pour moi. J’ai pu donc apprécié ma soirée pleinement en bonne compagnie, à siffloter des binouzes et discuter de tout, de rien et surtout de rien. Surtout sans voir sa gueule et sans écouter ses âneries permanentes. C’était ma journée et je l’ai appréciée.

J’ai, de plus, pu skyper avec Papa et Maman dans l’après-midi. Vue qu’il pleut back home, ils avaient le temps, et surtout voulaient souhaiter de vive voix un bon anniversaire à leur fille cadette de 22 ans maintenant. Bordel. Vingt-deux ans. Tout a changé. Avec le temps qui file et défile, j’me demande si finalement ça s’ra aussi simple que ça de rentrer à la maison. J’ai changé. Dix mois que j’suis partie d’la maison maintenant, et je sens que je suis plus la même. Est-ce bien ? Est-ce mal ? On verra ça j’ai envie d’dire. J’ai pas trop envie d’me focaliser là-d’ssus pour le moment. Mais le temps passe bordel. Mon neveu que je ne peux qu’admirer en image virtuel change à chaque cliché. Paraît-il qu’il a des dents maintenant. Je rate tout, certes. Mon filleul à dire vrai…

Vingt-deux ans. Paraît que j’en fait plus. Pas tant qu’ça en fait. Hans m’a dit l’autre jour, quand je lui ai fait part de ma surprise quand aux âges des Japonaises qui paraissent tellement plus jeunes en réalité, que je me sens plus vieille par rapport à elles parc’que je le montre et parc’que j’ai surement vécu le double à mon âge qu’elles dans toute leur vie. Possible. C’est vrai que quand je regarde de loin mon parcours, j’ai pas à m’plaindre, j’veux dire, j’ai fais mes expériences et j’en ai tiré mes leçons. J’en grandit tous les jours, et ça continue. Et surtout à côté d’ce clampin de dix-huit ans, j’me sens avoir trente piges quoi, tellement il est immature, ou qu’il le montre en tout cas.

Vingt-deux ans bordel. J’ai comme le sentiment aussi que je suis sur le point de non-retour tu vois. Le point où, ouais t’es jeune, mais plus tant qu’ça, et ça devient de pire en pire, et de plus en plus vite. Il y a quatre ans j’avais dix-huit ans, je finissais le lycée. Il y a sept ans j’y entrai. Je connais Hélène depuis la sixième, c’est-à-dire depuis onze ans maintenant. Et puis ouais j’pense à mes parents qui m’ont concocté il y a 23 ans et qui m’ont vu grandir et évoluer pendant toutes ces années. Je me sens même plus comme leur petite fille. J’me sens comme une adulte maintenant. Une grande. Celle que finalement j’ai jamais voulu être mais que je crois je suis devenue, et pas si mal que ça. J’veux dire, j’ai atteint une certaine maturité que pas mal de gens reconnaissent. Je sais c’que j’suis, c’que j’veux être. Je crois qu’au final j’peux pas être en colère, ou triste. J’ai vingt-deux ans, certes. Ca s’arrête là. La vie continue.

Heureux anniversaire oui. En tout cas cette journée fut un beau cadeau.