People Always Leave

Tramstop 14

Aujourd’hui, la Maison me manque. Ca fait un mois que j’ai pas parlé à mes parents et ça me manque.

Sissi m’a envoyé un mail hier. L’usine où elle bosse depuis 25 ou 30 ans va fermer. Elle doit trouver un autre boulot, à 54 ans… Elle ne m’en a pas dis plus, ne voulant pas "gâcher" mon séjour qu’elle dit… J’pense qu’elle se chie d’ssus. Maman m’en avait parlé la dernière fois en fait. En fait Sissi elle voudrait faire de l’assistanat à domicile tu vois. Aider les vieilles personnes, comme elle aide ma grand-mère. Mais elle n’ose pas. Elle n’est pas très courageuse c’est vrai. Mais Maman va l’aider. Maman sait comment trouver les informations, faire la paperasse. Maman va l’aider, je l’espère. Ca m’fait presque chialer. J’avais d’la rancœur qui remontait mon œsophage quand j’ai lu son mail ce matin.

Et puis là je viens de discuter avec le Français d’ma chambre. J’lui ai dit que après un an ça commençait déjà à m’saouler de devoir chercher du taf tous les deux mois. C’est vrai, c’est pas évident. Devoir te vendre à chaque fois, donner tes CV partout, faire les agences, te faire remballer comme une malpropre, devoir faire tes preuves… Je comprend maintenant le confort, le luxe presque, d’avoir un boulot fixe. Surtout en France je pense. Ici le boulot ça va, ça tourne, j’ai jamais attendu très très longtemps. Mais j’ai pas hâte de devoir me taper ça en France où j’n’ai jamais non plus eu vraiment de soucis.

J’suis un peu dans une phase où j’me demande c’que j’fais vraiment d’ma vie. Si ça vaut vraiment l’coup, si c’est toujours une bonne idée, si je suis pas ridicule en fait. Je suis rien. Je suis personne. J’ai pas d’amis, de vrais. Parc’que c’est des conneries. Personne ne peut vraiment connaître une autre personne. Et même si elle la connaissais aussi bien, elle ne serait plus son amie. Personne en a rien à foutre de personne. J’en suis consciente. Pourtant ça me bouffe, ça me travaille. Comme si j’essayais encore d’m’en convaincre en fait. J’ai pas l’impression d’être moi-même. C’est vraiment bizarre, j’me vois de l’extérieur et je n’me reconnais pas. Ma vie d’avant me manque. Faire la folle, aller au resto, au ciné, faire de la musique avec mes potes. J’ai un gros manque. J’le sens dans mon ventre, mes tripes. Il me manque des tas d’trucs. Voyager c’est bien, mais t’as pas l’temps d’te poser et d’te créer vraiment quelque chose. La seule fois où ça m’est arrivé c’est à Derby, à BDS. C’est devenu ma maison parc’que j’ai eu le temps de créer un lien. Rien ne me manquait là-bas, j’avais tout. Le nécessaire.

J’ai peur aussi. De finalement ne pas y arriver.

Le Français vient d’me dire qu’il veut rentrer en France. Ca fait 10 jours qu’il est à Melbourne. Il fait le larbin dans une cuisine à 29 ans alors qu’il est cuistot depuis toujours. Ca le saoule et j’le comprends. Il veut rentrer, se poser, monter son business, trouver une femme, faire des gosses. Il a raison. Au final c’est c’qui nous pend au nez à tous. Toni aussi m’a dit qu’il était fatigué de voyager maintenant, après 2 ans. Moi ça fait qu’un an mais je comprends déjà totalement ce qu’ils ressentent. Etrange situation, moi, la fille qui voulait absolument me barrer d’mon trou, et maintenant je red’mande presque à y r’tourner. Mais je vais tenir, il le faut, j’peux pas abandonner maintenant. J’vais voir Papa et Maman dans un mois, ça devrait me redonner du pep’s.

Comme j’ai une connexion permanente à l’auberge, j’me suis replongée dans l’actualité française et j’suis tombée amoureuse de Nicolas Bedos. Ce mec est une mine. D’or, d’information, littéraire. On voudrait tous un ami comme lui. Bourré d’humour par dessus l’marché et séducteur comme personne. Je lirai ses bouquins quand j’s’rais d’retour.
Du coup j’m’intéresse aussi un peu plus à la politique que j’trouve tout autant ridicule mais moins flou. Je ne prétends pas la comprendre complètement pour autant mais y a du mieux.

Je crois avoir presque trouvé mon Trésor au final. Mais j’ai encore à aller un peu de ma Légende Personnelle.