People Always Leave

Marco

Et allez, l’histoire de ma vie qui se répète. Encore et encore et encore. Je commence à croire que c’est un test perpétuel. Comment j’en sors ? Bon je raconte.

Hier soir soirée moules-frites. Je tombe sur un gars chez qui j’étais allée au printemps pour sa piscine. Il a acheté une baraque avec une piscine et il voulait un avis professionnel sur cette dernière, ou plutôt une confirmation que cette piscine est absolument merdique puisqu’il est loin d’être fou et avait vu l’arnaque. C’est vrai il m’avait tapé dans l’oeil. Il est pas très grand, à peine ma taille, mais il a des yeux bleus assez incroyables et je l’ai trouvé calme, serein, terre-à-terre, peut-être un poil pessimiste, parc’que mine de rien, sa piscine, elle est loin d’être optimale mais elle fonctionne. J’avais pas eu de nouvelles, je pensais qu’j’avais pas su le convaincre parc’que j’ai pas su trop quoi lui dire à part de faire au moins une saison avec sa piscine telle qu’elle est et aviser ensuite, j’avais essayé d’le rassurer en lui disant qu’c’est sûrement pas aussi pire qu’il le pense et que mine de rien elle est là cette piscine, elle existe, autant essayer d’en tirer quelque chose. J’me sentais bête chez lui en fait. Gauche. Bon, j’ai donné mon avis comme il le voulait quoi, j’ai été honnête avec lui. Mais il savait déjà. Bref. En plus j’avais oublié ma tablette chez lui, et comme c’est un pote à Stei j’lui ai demandé de la déposer chez lui. Bref. Et donc hier soir il était là. C’était drôle la façon dont on s’est revu. J’suis allée servir des dames assises à un bout d’table, j’étais penchée sur la table pour entendre ce qu’elles me disaient, et lui était assis derrière. Tout d’un coup j’ai posé mon regard sur lui, il me regardait. On se salue de loin tout en se regardant, je mets un temps à le replacer, et en fait j’le trouve toujours aussi beau. Il me trouble. Et puis, même si c’est pas vraiment mon client, j’aime pas croiser les gens du boulot dans ma vie perso. La soirée se déroule, je jette souvent un coup d’oeil à sa table, souvent il n’y est pas (dehors pour fumer) et quand je passe devant sa table il ne me calcule pas. Tant mieux j’me dis. Et puis arrive la fin d’soirée. Il est au bar avec ses potes. J’y vais pour me servir une bière et il m’interpelle. On se met à discuter. J’lui demande des nouvelles de sa piscine. Il m’dit qu’il a essayé, qu’elle a rapidement tournée, que du coup il a laissé tombé et la rebâchée et qu’il s’en est pas servi de l’été quoi. Dommage. Rapidement il m’demande c’que j’fais là, et moi sur son taf. Et là il part sur des discours de politique, du système pourri, que lui se casse le cul à bosser 300h par mois pour avoir autant qu’un mec qui reste sur son canap', ce qui est faux. Il a juste les nerfs pac’que ses charges sont élevées, sûrement parc’qu’il gagne beaucoup. Ca j’lui ai pas dit. Moi je sors toujours mon discours de hippie : si t’es pas content, change. Il comprend pas. Et puis on parle de moi, de la boîte de mon père. Il comprend pas pourquoi j’arrêterai alors que ça marche si bien. Il comprend pas que j’puisse changer de taf, juste parc’que j’ai envie. On est là, adossé au bar, une bière en main, proche l’un de l’autre pour se comprendre, à refaire le monde, et je vois qu’il se rapproche de plus en plus, et qu’il devient tactile. Et moi j’suis en kif. Je souris en permanence, juste pour le plaisir d’être avec lui et qu’il me parle. A moi. Et puis il m’avoue que quand j’étais venue chez lui, il avait tout d’suite senti qu’on s’entendrait bien. Il me dit qu’il m’a de suite appréciée, et qu’il avait vu que j’étais compétente. On se lance des putains d’regard quoi. On se regarde droit dans les yeux. Et puis mine de rien il est saoul, me dit qu’il m’aime vraiment bien, me parle de ma frimousse, me dit carrément que j’suis belle et me demande si j’suis célibataire. Ca non plus il comprend pas. J’lui dit que j’suis super chiante. Et bizarre. Il répond que tout l’monde est bizarre. Là, ça prend une tournure tu vois. On est plus en mode poli et pro. Là on change de niveau et on commence à parler d’une hypothétique nuit de folie. Et là, pour une fois, je veux pas être vague ni ambiguë, je dis non. Je lui dit que ça n’arrivera pas. Il a une femme ("On est pas marié" qu’il dit, ils disent tous ça putain, genre ça fait une différence), ils ont deux gosses, une baraque (avec une piscine pourrave). Non. En plus, sa nana se pointe au bar de temps en temps pour lui dire qu’elle veut bientôt rentrer. C’est une femme, je sais c’qu’elle voit quand elle voit son mec proche d’une autre nana, sa main sur son épaule, à lui demander si elle a un FB. Elle a été patiente. Elle est restée polie. Avec moi en tout cas. Finalement elle est partie sans lui parc’qu’elle devait aller bosser, à 3h' du mat'. Lui m’a payé une bière du coup. Et a tenté d’se vendre. A un moment il a mentionné mon manque de confiance en moi et ma timidité, et moi je remarque son assurance quand il me dit que j’rate un truc. Ah ouais ? Moi pourtant j’ai rien à perdre. Que dalle. Et pourtant c’est ma gueule qu’sa femme va venir casser si il s’passe un truc. Ce s’ra moi la salope. Là il part dans le délire "qu’est-c’t’en sais qu’ma femme me trompe pas ?". Ah ouais mais ça, gars, c’est pas mon problème. Au fur et à mesure il se rapproche, et moi j’recule. On s’est retrouvé à l’opposé du bar. J’ai fini par lui dire que ça m’excite pas en fait, que j’suis d’jà passée par là, que la promesse d’une nuit de folie ne me suffit plus. J’comprends que lui ça l’fasse bander, d’après FB ça fait une dizaine d’années qu’il est avec sa gonz'. J’peux comprendre l’excitation d’aller voir ailleurs. Mais lui et moi on est pas dans la même situation. Et autant lui a tout à perdre, moi, j’ai rien à y gagner. J’veux autre chose. J’veux sortir d’ce schéma. Il est la Tentation. Il a parlé de destin en plus. Moi j’veux pas bêtement succomber et après en payer le prix. J’ai 31 ans bordel, j’peux pas juste avoir le package complet plutôt qu’un échantillon ?

Bref. Il m’a ajouté sur FB. J’vais pas accepter, par respect pour sa copine et pour moi. J’vais pas tenter le diable et aller le chercher. Il sait où m’trouver en vrai. Théoriquement il a mon numéro, il m’a déjà appelé une fois ou deux dans le cadre du taf.

Voilà. L’histoire de ma putain d’vie.