People Always Leave

3,5°C

C’était la température d’la flotte dans laquelle on a nagé cet après-midi. Ca s’est passé d’l’autre côté d’la frontière. Plus de trois cent personnes réparties en équipes ont osé. Une bonne partie d’entre elles y participe depuis quelques années, voire dix ans. Comme cette dame de soixante-dix-neuf ans qui marche avec des béquilles mais qui était la première à plonger. Tout ça pour une assoc' à laquelle est versée dix euros par candidat. Ca en fait du fric. Mais bon, c’pour la bonne cause.

J’me suis dis qu’ça d’vait pas être si terrible. C’est pour ça qu’j’étais cash partante. Pourtant on m’avait dit que l’étang risquait d’être gelé, comme y’a deux ans où la glace avait du être cassé la veille déjà pour avoir moins d’épaisseur le jour J. Rien à foutre. Ca s’fait au moins une fois dans sa vie, et au pire, ça s’tente. Sauf que quand tu connais pas, t’arrives un peu en touriste. J’ai donc pas pensé aux savates, choses bien pratiques quand t’attends ton tour dehors sous la flotte, température 10°C. J’avais même pas touché la flotte, j’sentais d’jà plus mes pieds. Un p’tit spitch au speaker, 3, 2, 1, et les v’là qui courraient en gueulant. J’suis restée derrière mais j’ai emboîté le pas. La froideur glaciale de l’eau t’atteint directement aux os. Mais ça te gêle pas, ça te brûle ! Une fois immergé jusqu’aux épaules, tu comprends vite qu’il faut bouger sans arrêt. Tu nages, tu nages, tu mets tous tes membres en mouvement. Sauf que j’ai senti qu’un truc allait pas : je n’avais plus d’air ! Impossible d’inspirer, rien ne rentrait. Le froid avait comme gelé mes voies respiratoires. Je suffoquais. Incroyable sensation. A couper l’souffle, haha… Mais tu nages toujours, faut pas s’arrêter, jusqu’à la bouée. Et Alain, grand parieur qu’il est, avait parié qu’on f’rait pas deux tours. Alors hop, c’est parti ! Deuxième tour de bouée. Et le beau-f' de dire "jamais deux sans trois". Et c’est r’partie ! Une fois sorti de l’eau, tu brûles de plus belle. J’sentais encore moins mes doigts d’pieds, j’avais du mal à reprendre mon souffle et les corps ont tous pris un ton rouge homard.

Sans regrets. J’pensais pas du tout qu’ça s’rait à c’point-là. A refaire !

Y’avait ce type avec nous, le pote d’Alain. Régis. Il m’a fait pensé à Dé. Je crois que physiquement ils se ressemblent.

Dé que j’ai eu au téléphone hier soir d’ailleurs. Il s’est fait largué par sa copine alors il avait le week-end pour dégager d’son appart'. Normalement à c’t’heure-ci il devrait déjà squatter le canap' de son pote qui habite l’immeuble d’en-face. C’est quand même moche. En plus elle a une fille, donc il s’était un peu installé dans son rôle de papa. Et nan. C’est fini. Du coup, ça le touche dans toutes ses autres activités donc pas moyen de parler d’autre chose sans en revenir à ça. Ca m’a peiné de l’entendre comme ça. Pour l’instant il prend sur lui pour pas sombrer mais c’est dur, et c’est normal.

J’lui avait parlé du plongeon dans le lac gelé d’aujourd’hui. J’ai donc eu droit à un texto y’a 1h30. J’ai pas encore répondu, et à vrai dire je n’sais pas trop si j’vais le faire.

J’pense à Thomas en c’moment. Il dit qu’une relation ne peut pas se construire sur un plan cul. J’suis d’accord, mais pourquoi pas merde ? ! On s’rait pas les premiers. Il me plaît vraiment. J’veux dire, c’est tout à fait quelqu’un avec qui j’me vois continuer ma vie. Enfin bref, j’veux pas déblatérer là-d’ssus. J’espère le voir bientôt.