People Always Leave

Handicapée.

Gary et moi c’est fini. Hier soir on passait une bonne soirée, et puis il a commencé à me toucher, me caresser, me prendre comme si on était ensemble. Au début j’trouvais ça agréable. Mais après, devant ses potes, j’sais pas, ça me mettait mal à l’aise. Alors j’me suis bloquée, j’l’ai repoussé. S’en est suivi un long blanc. J’arrivais pas à lui dire. J’avais peur de le blesser. J’voulais pas lui faire de mal. J’savais pas comment lui dire. Il a commencé à perdre patience. J’me suis sentie conne. J’lui ai dit qu’ça m’faisait peur tout ça.

Ensuite comme il était tard on s’est fait virer du bar. Dehors, quand on était seul, on s’est engueulé. Il arrêtait pas de remettre mes aventures sur le tapis. Il comprend pas que c’est plus facile de coucher avec quelqu’un sans avoir de sentiments. Il comprend pas que j’ai un problème, que j’suis une handicapée des sentiments. Il croit que tout est de sa faute, que j’le dégoute, que c’est parc’que c’est lui que j’suis comme ça. J’lui ai dit qu’c’était pas le premier, qu’entre coucher et avoir des sentiments y’a tout un monde pour moi. Il veut pas comprendre. Ca lui sort par les trous d’nez.

Il me parle de comment il est, qu’il a changé, mais qu’il pourrait redevenir comme avant ou j’sais pas quoi. Mais c’est sans rapport. Lui il n’y est pour rien, c’est moi qui n’arrive pas à franchir le pas. Nan, nan, il ne m’écoute pas, il ne comprend pas.

J’lui ai dit que j’étais désolée de lui avoir fait perdre son temps. Il m’a d’mandé pourquoi j’étais v’nue. J’lui ai répondu qu’c’était pour me convaincre. Mais ça non plus il a pas compris. Il m’a dit que je compliquais tout, que j’étais pas logique. Il voit pas les efforts que je fais pour lui. Il s’en fout. Il admet pas que j’l’apprécie, mais que c’est pas suffisant pour me mettre avec lui.

J’aurais aimé lui dire que j’y avais tellement cru, que c’était un type bien pour moi, que pour une fois j’avais la volonté d’me poser avec quelqu’un. J’ai pas osé. Il ne m’aurait de toute façon pas cru.

A force de l’entendre me répéter que j’étais pas logique, que je préférais coucher avec n’importe qui que de passer des bons moments avec quelqu’un pour qui j’ai des sentiments, sans savoir exactement ce qu’il se passe, j’me suis énervée. J’ai préférée me barrer.

Avec lui c’est tout ou rien. Le reste, il refuse catégoriquement de le comprendre.

J’suis même pas arrivée à pleurer sur mon sort. Tout ce dont à quoi j’ai pensé sur le chemin du retour c’est que jamais j’y arriverai, que je l’amour devient une utopie pour moi. Je n’ferais jamais l’amour. Baiser sera mon seul langage. Des sentiments ? Nan. Ou alors pas partagé. C’qui arrive souvent d’ailleurs…

Je suis un paradoxe, je n’sais pas c’que j’veux.

J’ai laissé coulé quelques larmes quand j’ai repensé à c’qu’il m’avait dit à propos d’ma soeur. Oui parc’qu’il m’a comparé à elle. J’lui ai dit que c’était pas juste, qu’on savait qu’elle elle est parfaite. Non, en faite elle a un seul défaut : sa soeur. Et ça c’est lui qui me l’avait dit un jou. Ca m’avait ouvert les yeux tellement c’était vrai. Mais hier soir il m’a dit qu’en fait c’était pas vrai, qu’elle avait plein de problèmes mais qu’elle en parlait pas. Et dans c’cas on n’peut pas être parfait. En fait, je savais que ma frangine me cachait des trucs, qu’avec Chotzi ça s’passait pas toujours bien, qu’elle n’était pas tout l’temps heureuse. Mais je sais aussi qu’elle m’en parlera jamais de ça. C’est bien ça qui me rend triste. Et ça me rendrait encore plus triste qu’elle en parle à Gary et pas à moi, sa propre soeur. Je donnerai ma vie pour elle, je l’ai dit à Gary ça. Sans discuter, sans hésiter, si je devais mourir pour elle, j’le f’rais. T’façon moi à par elle y’a rien qui m’retient. Encore maintenant j’en ai les larmes aux yeux.

Moi j’suis une râtée, j’peux plus m’aider. Si même ma frangine j’peux pas l’aider, j’ai plus rien à faire ici.

J’suis jeune, je le sais. Mais ça m’rend tellement triste de savoir ça maintenant. J’me sens tellement conne d’être comme ça. J’ai tellement peur de ne jamais y arriver…

J’aimerais que ma soeurette lise ça un jour. J’aimerais qu’elle soit convaincue que j’étais plus que sincère en écrivant ces mots.

Sache que j’ai jamais voulu faire de mal à Gary. J’suis trop compliquée, j’me comprend pas moi-même. J’en suis sincèrement désolée. Je suis ton unique défaut. J’l’ai toujours été. Mais j’suis fière d’être ta p’tite soeur. Je t’aime.