People Always Leave

Journal.

Je crois que chez moi, tenir un journal, c’est dans les gènes. Mon père en a toujours tenu un. Pas un journal intime, mais un espèce de journal de bord, où il relate tout ce qu’il a fait dans sa journée. Il écrit ça dans un agenda en fait. Ça parle forcément beaucoup de boulot mais parfois il y a des passages pour ma mère, ma sœur, ou moi, ou d’autres trucs. J’en ai vu un qui datait de 1987. Il y a du en avoir d’autres avant encore. Ça me fait sourire. Un jour, plus petite, en fouillant, j’avais trouvé un cahier qu’il avait tenu lors de son service militaire, en Guyane. Chaque jour il écrivait ce qu’il avait fait. Parfois il parlait de son avenir, de ma mère. C’était à l’époque où ils commençaient à sortir ensemble. En le lisant, j’ai l’impression de découvrir une nouvelle personne. C’est assez surprenant. Mais au final j’me dis que j’suis contente que cette personne soit mon père. Cette après-midi, en cherchant une housse de couette dans la chambre de mes parents, j’suis tombée sur un cahier. C’était le journal de mon oncle, avant son suicide. J’ai pas connu mon oncle. Il s’est suicidé avant même la naissance de ma sœur. On en a jamais vraiment parlé avec mes parents ou ma famille. Mais maintenant je sais ce qu’il endurait chaque jour. Mon oncle n’a jamais trouvé sa place dans ce monde. Il a cru meilleur pour lui de ne plus en faire parti. Je sais pas trop quoi en penser. En lisant ses mots, je le sentais rejeté. J’me pose des questions sur comment était mes grands-parents à cette époque, mes tantes et oncles, envers lui, pour qu’il se sente aussi seul. Je sais que mon père a pas vraiment l’esprit de famille. Il est partit de chez lui le plus tôt possible. Peut-être pour fuir. Je sais que ma grand-mère était assez dure. On nous raconté certaines raclées que ses enfants prenaient parfois. Ça fait assez peur. Alors est-ce qu’ils étaient vraiment une famille ? Avec du recul, même maintenant on est plus une famille. Plus de contact avec certains, on voit à peine les autres. Je suis un peu déçue. Je crois que j’aimerais même pas savoir comment c’était à leur époque. De toute façon c’est jamais bon de ressasser le passé. En tout cas je sais que c’est pas mon père qui nous a inculqué l’esprit de famille que ma sœur ou moi avons. Pour nous, la famille passe en premier. Pour mon père, ce sont des gens, des amis, et s’il peut vivre sans, je crois que c’est encore mieux pour lui. Chacun son caractère, chacun sa vision des choses. En tout cas, Tonton a trouvé une solution a ses soucis. Sa dernière phrase de son journal, le mois de sa mort, est plutôt ironique : "On verra bien demain." Quelque part, ça me fait sourire parce qu’il m’avait l’air bourré d’humour. J’ai rigolé plusieurs fois en le lisant. Aussi, il répétait que la musique l’aidait à tenir parfois. Encore un héritage héréditaire. Finalement, on est pas si différent, moi de eux… Les copines vont arriver dans 30 minutes. J’ai fait du ménage et rangement toute la journée. Mon Amour me manque. J’vais pianoter un peu.