People Always Leave

J'veux rester avec Sara.

J’me souviens qu’il a dit ça. Dans la chambre. Quand tout l’monde s’en est mêlé. Certains voulaient qu’il sorte je crois. Moi j’voulais pas en faire de trop alors j’ne disais rien. Sylvestre a lu dans mes pensées en disant qu’il voulait rester avec moi. J’ai souris.

Il était très doux. Il m’a pris les mains quand il a voulu me relever alors que j’dormais presque. Il me regardait beaucoup. Moi j’n’osais pas. Cette vieille peur de regarder droit dans les yeux me prend de temps en temps.

C’est étrange d’écrire ça en parlant de Sylvestre. C’est pas naturel. C’est pas lui. C’est pas nous. J’veux dire, c’est pas notre relation habituelle.

Comme d’habitude, si j’me concentre bien, parfois, j’arrive à me souvenir de son visage. De ses paroles aussi. Ses mercis. Quand il me touchait la main avec son doigt. En fait il n’a pas dit grand chose, il ne parlait plus. Quand j’lui ai d’mandé s’il savait où il se trouvait, il était incapable de répondre tout d’suite. Il savait, évidemment, mais il n’arrivait plus à faire sortir les mots de sa bouche.

Du coup je n’sais absolument pas c’qu’il pensait. Si j’le saoulais, si au contraire il appréciait ma présence. A Hohwi et moi, dans la chambre, il nous a dit qu’il nous aimait.

Vraiment, j’sais pas si dit comme ça on peut sentir ma perturbation profonde. J’sais pas si en lisant ça on peut comprendre à quel point c’est absolument incroyable de parler comme ça d’un type qui était mon prof durant deux années. J’sais bien qu’tu sais tout ça Achille, mais je n’sais pas quoi te dire de plus. Tout est chamboulé dans ma tête. Il n’y a plus de hiérarchie.

Quand on était assis sur le muret, juste lui et moi, et qu’il a senti que j’avais froid, il a passé sa main dans mon dos, jusqu’à ma nuque, puis jusqu’à mon coccyx. Il m’a attiré vers lui et a posé sa tête sur mon épaule. Je sentais son souffle dans ma nuque. Je gardais ma main posée sur son g’nou au cas où je m’endormais complètement et qu’il en profite pour filer. Dès qu’on entendait des pas qui approchaient dans le gravier, il stoppait tout contact avec moi. J’le comprends, évidemment.

C’est vraiment trop un truc de guedin tout ça. Cette semaine me permettra de prendre du recul, j’espère…