People Always Leave

Raie-mini-science.

On était jeune. Notre vie se limitait à trois bleds alentours. Pour moi en tout cas. J’avais même pas 10 ans j’crois. C’était une bonne époque. Des étés complets passés dehors, au city, à faire les pompom girls ma frangine et moi. Jo, c’était notre grand frère. Et il y avait les autres. Ils jouaient au foot l’après-midi, et le soir on squattait à l’arrêt d’bus. Ils étaient tous ado. Ludo devait même déjà être au lycée. Et nous on restait avec eux. Ils nous f’saient rire. On ne comprenait certainement pas tout, mais j’en garde de bons souvenirs. On rentrait tard mais les parents ne disaient rien.

Un soir, les voisins étaient invités au barbeuc'. Nous on est sorti avec Jo et la bande. Y’avait une fête privée à Wol. On y est allée avec eux. On avait nos vélos. On a pris le p’tit ch’min derrière. Il était déjà tard, mais en été le soleil ne se couche pas avant 22h parfois. Quand on est arrivé là-bas, il y avait un camion de pompier. Un VSAV ou une ambulance. Un jeune en scoot' s’est fait renversé par une voiture, devant la salle. Une bonne partie des gens d’la fête étaient donc dehors. Jo a essayé de rentrer je crois, mais qui dit fête privée, dit invitation obligatoire. On s’est alors posé sur le muret de l’espèce de grand bac à fleur. Et là, ça a commencé.

La nuit était tombée. Mais Jo avait bien remarqué les deux gars qui s’approchaient. Zen et Fer. Ils voulaient juste passer leur chemin mais Jo leur a cherché des noises. Surtout à Zen. Il a commencé à le bousculer. Zen faisait pas gaffe. Jo a insisté. Ils ont commencé à se chercher au corps à corps. Fer essayait d’les séparer mais Zen a pris Jo par le cou sous son bras et lui a dit à l’oreille : "Arrête de faire ton malin.". Quand il l’a laché, Jo s’est redressé et lui a mis une droite en plein dans l’pif.

J’me souviens de Yannick et Ludo qui arrêtait pas d’faire les cons. Ils imitaient la poule, j’sais même plus pourquoi. Mais là, c’était plus drôle tout d’un coup. Zen pissait l’sang du nez. Il en avait plein les mains. Il s’est essuyé sur un portail. Ca a fait une traînée de doigts sur le bois. C’est resté un bout d’temps avant qu’le proprio le repeigne. Fer a pris Zen et il se sont cassés. Nous aussi, il était temps qu’on s’casse de là.

On a refait le chemin en poussant les vélos. J’me souviens avoir regretté de l’avoir pris. Yannick a dit qu’on se serait cru dans Scream avec le sang sur le portail. Ils rigolaient, mais j’savais bien qu’y’avait un truc qui clochait.

Avant d’se séparer, Jo nous a pris et nous a dit de ne jamais en parler à personne. Ni à nos parents, ni à ses parents. On avait rien vu.

Plus tard, j’l’avais raconté à Marina. C’était ma meilleure amie.

Plus tard, j’ai dû garder d’autres secrets pour lui. Comme la voiture de ses parents qu’il conduisait sans permis. Comme Sabrina que j’ai vu sortir de chez lui tard dans la nuit, lui en serviette, alors qu’il était avec Alexandra. Des secrets dont lui-même ne sait pas que je garde pour moi. C’était le grand frère. J’étais la naine, la p’tite soeur.