People Always Leave

Poussière.

Tout à l’heure j’ai matté le film sur la 2. Malgré le jeu pourri des acteurs à mon goût, j’l’ai trouvé très intéressant, très émouvant. Le type qui apprend qu’il a un cancer. Il fait croire à tout l’monde qu’il est d’venu fou pour avoir une bonne raison d’se casser et mourir seul. J’ai trouvé ça horrible, presque égoïste. Papa a pensé le contraire. Il était d’accord avec cette idée et disait qu’ce type n’avait pas tord. Du coup j’ai imaginé que Papa s’rait capable d’nous faire la même chose un jour, vu qu’en plus ils savent toujours pas c’qu’il a aux poumons. Et comme bien souvent, j’ai imaginé le perdre…

Je sais pas, vraiment pas, c’que j’ferais si ça m’arrive demain. J’imagine toujours qu’la secrétaire va v’nir toquer à la porte d’notre salle 12, elle va demander à me parler, et une fois dans l’couloir, la porte refermée derrière elle, elle va m’annoncer qu’ma mère vient de téléphoner, que mon père est mort. J’vais surement lui d’mander si c’est une blague. J’vais surement pleurer tout d’suite. J’pense même pas qu’j’vais retourner chercher mes affaires. Ou alors juste ma veste et mon sac, mais sans ranger mes cahiers dedans. Les autres se demanderont c’qui m’arrive. J’vais regarder Robin de mes yeux flous pour lui faire comprendre qu’c’est pas l’moment quand il m’sortira une connerie. Et puis j’vais partir. Et j’me demande sincèrement si j’y retournerai. J’en verrais plus trop l’intérêt. Vraiment plus. Tout ça n’aura plus d’sens, puisque j’n’aurais plus d’boussole. Et puis Maman, j’crois que ce s’ra sa vie qui n’aura plus d’sens. Il faudra que j’l’aide, que j’sois avec elle, qu’on surmonte ça ensemble. Et puis l’frangin… Et puis la frangine… Qu’est-c’qu’on deviendrait ?

Je suis en larmes. Ce n’sont que des idées improbables. Mais j’y pense, souvent. Comme si je m’y préparais. C’est débile.

A la Toussaint j’suis allée voir Papy, au cimetière. La première fois depuis son enterrement il y a bientôt treize ans. C’est étrange de voir son propre nom sur une pierre tombale. Ca fait un peu froid dans l’dos. Du coup Papa nous a raconté qu’c’était un gars aimé et apprécié dans sa ville, Papy. Toujours une p’tit blague, toujours le sourire, toujours dans la joie et la bonne humeur. Ca m’a fait plaisir. Ca donne un sentiment de fierté, même si au final j’l’ai pas vraiment connu. Je suis d’autant plus impatiente d’échanger quelques mots ou plus dans l’au-delà. Au moins pour lui dire qu’son fils était un papa génial, et qu’sa petite-fille a tout fait pour lui ressembler.

Tu m’as dis "je pars mais ma chérie ne pleure pas". Tu m’as dis "t’es belle ma fleur, tu n’finiras pas seule". Tu me manques mais les gens ne savent pas, alors je dis que j’ai une poussière dans l’oeil.